vendredi 27 mai 2016

jour 17


dimanche 13 mars 2016

  Au réveil, la brume est moins dense que ces derniers jours, sans doute parce que nous sommes à terre mais elle a toujours cette couleur jaune. Je ne descends pas du bateau faute de réelle motivation et faute de temps aussi car je ne suis plus en Europe et les contrôles à l'immigration sont tatillons et très longs et nous devons repartir en début d'après-midi. Alors, je me complais à regarder la ronde des conteneurs apportés et enlevés par les camions, à écouter le concert des klaxons de recul parmi les chocs sourds des manutentions. J'en prends plein les yeux et les oreilles car c'est la dernière fois que j'assiste à ce spectacle. Au prochain port, je quitterai le navire et toutes ces ambiances si particulières, si passionnantes et agréables pour moi. Le port est très animé et sans conteste semble le plus efficace de mon voyage, ne présentant aucune interruption dans les approvisionnements et les enlèvements des conteneurs au pied des grues. Il est très étendu aussi, à l'aise pour s'étaler sur une côte totalement plate et sans aucun relief en arrière-plan.
  A 13 h 30, le Musca quitte son quai par une impressionnante mise en biais pour s'aligner vers la sortie. Il faudra deux remorqueurs et 1/4 d'heure pour accomplir la manœuvre avec un vent traversier de 10 kn. Puis nous remontons les darses en toisant les vraquiers dont un est rempli de céréales qui font le bonheur d'une foule d'oiseaux plongeant avec force pépiement à fond de cale (dans tous les sens de l'expression). La sortie par le chenal balisé est facile. Tandis qu'un marin ramène les couleurs, je vois une multitude de hauts-fonds sablonneux à fleur d'eau, parfaitement visibles du haut de la passerelle, laissant imaginer une quantité de naufrages par le passé. Ensuite, nous mettons le cap vers le sud de la mer Rouge et le golfe d'Aden. Derrière, s'étirant sur des dizaines de kilomètres le long de la côte, à environ 200 m du sol, une mince bande hésitant entre grisaille et jaune rappelle la présence de la pollution. C'est une constante dans ces ports des pays chauds en l'absence de vent dispersant et le bleu du ciel espéré dans ces zones aux pluies rares est le plus souvent absent, voilé par l'évaporation intense de la mer ou masqué par les vents de sable ou prisonnier d'une pollution tenace.
  En soirée, je retourne à l'extérieur de la passerelle et je m'y m'attarde longuement. Les étoiles ont perforé petit à petit l'écran noir du ciel enfin débarrassé de ces brumes envahissantes et je ressens la profondeur de l'infini. Soudain, j'entends des bruits très proches qui ressemblent à des cris d'oiseaux et que j'attribue au vent soufflant dans les bastingages. Mais c'est bien une nuée d'oiseaux de la taille de pigeons qui s'envole du dessus de la passerelle et se met à tournoyer au-dessus de ma tête, plongeant et virevoltant dans un concert de cris moyennement rassurant avant de s'enfuir vers les conteneurs. Hitchcock en live.
  J'aime beaucoup la nuit en mer, j'en oublie le temps qui passe. Enfin, je rejoins ma cabine et reprends l'écriture de mon histoire qui se déroule... sur un bateau. 









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