dimanche 29 mai 2016

jour 19


mardi 15 mars 2016

  La journée d'hier a été marquée surtout par l'élévation de température extérieure avec 31 à l'ombre dans l'après-midi. La visibilité est restée réduite en raison de l'intense évaporation et les écrans filtrants de la passerelle sont restés baissés. Vers 10 h, nous avons franchi la frontière entre l'Arabie Saoudite et le Yémen, pays toujours en guerre avec son voisin et placé sous un embargo dévastateur pour la population.
  Aujourd'hui, ce sera le passage du détroit de Bab el Mandeb (la porte des lamentations). Dès le début de matinée, des îlots rocheux apparaissent de part et d'autre du navire, de plus en plus nombreux et de plus en plus proches. Le goulet, car c'en est un, n'est plus très loin. En arrivant à la passerelle, j'ai une surprise. Là, sur ma gauche, soigneusement alignés et tout neuf - ce qui me rassure un peu - il y a quatre gilets pare-balles et quatre casques. Devant moi, un marin est absorbé dans la surveillance des abords aux jumelles. Pour dédramatiser la situation, les marins présents me font essayer l'équipement. C'est diablement lourd ! mais si c'est utile... Il est donc clair que le Musca vient d'entrer dans la zone de piraterie. Par 30°C, la visibilité n'atteint plus qu'une dizaine de kilomètres et est accompagnée d'un vent de face monté à 35 kn en raison de l'étranglement du détroit. Ceci et la taille de notre navire devrait nous mettre à l'abri d'une attaque provenant d'un petit bateau. Comme nous arrivons à l'entrée de la passe canalisée, nous croisons un navire militaire arborant à l'avant un gros canon monté sur tourelle.
  Puis le passage se réduit à une vingtaine de kilomètres avec des hauts-fonds et des îlots tout autour. Le plancher maritime remonte très vite vers 200 m en moyenne et la navigation devient plus pointue, partagée entre deux sens opposés circulant à droite avec un fort courant de surface en direction de l'océan indien. Chaque corridor mesure moins de 3 km de large et je ne vois pas de balise. Pour passer, la navigation s'organise en convoi libre et la présentation cartographique des images radar s'avère un auxiliaire précieux. Ce n'est pas là qu'il faudrait tomber en avarie de moteur ou de gouvernail ! A 13 h 30, la zone la plus étroite est franchie et nous débouchons dans le golfe d'Aden. Djibouti se trouve sur tribord à environ 100 km alors que la ville d'Aden est à 200 km sur bâbord. Devant nous et à très basse altitude, deux hélicoptères militaires (américains ? français ?) survolent les cargos avant de poursuivre leur mission, sans doute de surveillance. En effet, entre autres pour endiguer avec un certain succès les actes de piraterie dans cette zone importante sur le plan commercial et combien instable, les États-Unis et la France, mais aussi l'Allemagne, le Japon et la Chine entretiennent des bases militaires à Djibouti.
  Sur la table à carte est déployée celle qui couvre le golfe d'Aden et la mer arabique. Au nord, le Yémen et Oman, au sud la Somalie. Un grand rectangle de couleur recouvre toute la zone avec en surimpression la mention "zone à haut risque", au cas où en douterait... A mi-distance des deux côtes figure un grand corridor dit "sécurisé" qu'il est conseillé d'emprunter pour se rendre en Asie. La sécurité y est toutefois relative comme l'ont démontré des attaques récentes mais la présence de bateaux militaires et la navigation en convoi jouent tout de même un rôle dissuasif.
  Dans le cartouche de la carte, des recommandations générales mais détaillées sont données quant au comportement à adopter en cas de tentative d'abordage puis de prise de contrôle du navire. Certaines me laissent songeur comme la préconisation d'arroser à la lance à incendie le canot des assaillants. Le rédacteur de la consigne voit-il encore les pirates avec un couteau entre les dents ? Pour ma part, j'ai bien peur que l'arroseur se retrouve à son tour arrosé... à la mitraillette !
  A 14 h 30, le second vient m'avertir qu'il y aura un exercice incendie dans une heure. Rien de tel que d'occuper les hommes pour éviter de "gamberger". A 15 h 30 donc, tout le monde est rassemblé sur le pont principal ( upper deck ). Début de l'exercice, mise en action des lances incendie aux jets puissants, équipement d'un marin avec la tenue spéciale pour haute température (ça me parait très long cet habillage) puis fin de l'exercice. Son analyse est ensuite effectuée par le capitaine dans la salle de réunion et elle est suivie d'un ensemble de questions posées aux membres de l'équipage pour réviser les connaissances. L'ambiance est sérieuse mais détendue.
  Après dîner, j'assiste à un splendide mais bref coucher de soleil puis je jette un coup d’œil sur la carte ce qui me fait comprendre que nous ne nous engageons pas dans le corridor sécurisé mais que nous allons longer la côte du Yémen en prenant la route la plus courte vers Dubaï. Ça ne me rassure pas du tout ça.











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