mardi 31 mai 2016

 jour 22


vendredi 18 mars 2016

  Le beau temps poursuit son offensive sur la mer d'Arabie : ciel dégagé, mer très calme et vent arrière égal à notre vitesse ce qui se traduit par une absence totale de vent relatif. Il n'y a pas grand chose à voir dehors, pas même un oiseau car nous sommes trop loin de la côte, ce qui n'est pas pour me déplaire d'ailleurs. En revanche, à l'intérieur, au fin fond des entrailles, il y aura de quoi regarder car ce matin je visite la salle des machines. Cette appellation...bateau recouvre en fait un ensemble de salles occupant tout le volume arrière de la coque sur plus de 60 m de longueur. Enfilons donc des chaussures de sécurité, mettons un casque anti-bruit et c'est parti pour une visite hors-norme en compagnie du capitaine en second. Vous allez bien m'accompagner même si je vous abreuve de chiffres au passage ? Bien.
  L'entrée se fait depuis le chateau au niveau du pont principal. La première salle est celle de contrôle, lieu de commande et de surveillance de toutes les machineries du navire. C'est impressionnant. Ici, on assume la taille du bateau, on fait dans la démesure ! Puis on descend dans les pièces techniques : ateliers, salle des pompes et local du bouilleur. Vu la taille de l'équipement, on suppose vite que ça ne sert pas seulement à disposer d'une douche chaude. En fait il assure le réchauffage du fioul lourd pour le liquéfier avant qu'il ne soit introduit dans les moteurs.
  Une autre salle suit avec deux énormes moteurs diésel bleus de 3 MW (4 000CV) à 700 tr/mn. Ils tournent par paire en alternance avec les deux autres situés dans une seconde salle sur l'autre côté du Musca. Ce sont ces moteurs qui fournissent toute l'énergie hydraulique et électrique - sous 6 600 V - nécessaire. Ils ne s'arrêtent donc jamais et ce sont eux qui sont responsables du bruit permanent dont je ne comprenais pas l'origine. Ici, les bouchons d'oreille ou le casque anti-bruit sont indispensables. Hein ? comment ? vous dites ? En traversant la salle, nous atteignons une porte qui s'ouvre sur...
  ...une cathédrale ! dans laquelle j'entre en surplomb. Époustouflante impression de gigantisme. Plus de 20 m de haut, 40 m de large et une longueur qui va se perdre à la poupe. Des bas-côtés nervurés par les membrures de la coque, des nappes de tuyauteries jouant les croisées d'ogive et dans la nef, du premier à l'arrière-plan, sa majesté LE moteur ! J'aurais bien vu là une turbine entraînant des arbres d'hélice ou encore un très gros diésel-électrique, de ceux avec des cylindres partout... Mais non. Un bête moteur diésel 2 temps de 12 cylindres en ligne, mais quelle ligne ! 24 m de long ! Et tout est à l'avenant. Le poids ? 3 000 T. Les pistons ? 1 m de diamètre. Les bielles ? environ 4 m de long. La puissance ? 100 000 CV. La vitesse de rotation ? Euh... là, lente, très lente, de 50 à 100 tr/mn. L'échappement ? une cheminée de 5 m de diamètre. La maintenance ? un piston, une chemise de cylindre et une bielle sont approvisionnés, prêts à un remplacement en mer. La surveillance ? la salle de contrôle durant la marche, l'entrée dans le moteur arrêté, debout, par des portes de visite au pied de chaque cylindre. Ce moteur est l'un des représentants des plus gros moteurs du monde. C'est tellement gigantesque tout ça que je ne peux m'empêcher d'en rire et je lis sur le visage du second la fierté de diriger une telle machinerie. Je descends alors d'interminables volées d'escalier pour arriver tout au fond et rejoindre l'arbre d'hélice tournant à 50 tr/mn. Il mesure 80 cm de diamètre et va rejoindre une seule hélice à six pales de 9 m de diamètre.
  J'y resterais des heures mais nous reprenons de la hauteur pour rejoindre une des deux coursives qui mènent à l'avant. Un panneau avertit de tenir fermement le cadre de la porte en passant dans la coursive pour éviter les chutes. Sage précaution car je quitte les 40°C de la cathédrale et sa surpression d'air pour passer à une température et une pression normales. Ça souffle vraiment très fort au passage de la porte ! Suit un long cheminement jusqu'à l'avant, entre coque extérieure et paroi interne le long de la cale emplie de conteneurs, les ballasts sous les pieds et des tuyauteries sur la tête, des canalisations, des câbles et des transfos 6 600/440 V tout du long, pour déboucher finalement à la pointe avant dans une salle à l'échelle du reste. Deux énormes cylindres joignent le sol au plafond. Ce sont les puits de chaîne où sont lovés 300 m de bonne ferraille reliée aux ancres. Nous faisons ensuite demi-tour et ressortons par la salle de commande en croisant quelques techniciens. Le second me précise que 9 personnes sont affectées ici soit 1/3 de l'équipage au complet. Travail intéressant sans doute mais exercé dans des conditions difficiles de chaleur et de bruit, sans jamais voir le jour et 24 h / 24 h. Pour ces marins, l'embarquement n'est pas vraiment synonyme de vie au grand air.
  Dans l'après-midi, le Musca remonte le golfe d'Oman en direction du golfe Persique. Il fait 31°C et le ciel commence à se voiler. A la passerelle, les marins m'informent que nous approchons d'une zone à baleines. J'espère bien en voir car j'ai raté les dauphins qui ont joué à l'étrave pendant un moment durant la traversée du canal de Suez.
















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