lundi 16 mai 2016

jour 6

 

mercredi 2 mars 2016

 

   Je me réveille à quai par un temps très moyen. Il ne pleut plus et le soleil en profite pour dessiner un bref arc-en-ciel prometteur.
  La nuit a été animée. A 4 h 30, l'alarme incendie a retenti dans la cabine. L'esprit embrumé, je tente de m'habiller en vitesse en me disant que ce n'est pas possible une chose pareille, pas sur ce genre de bateau... J'ignore si nous naviguons ou si nous sommes à quai et j'imagine déjà un abandon du navire. J'enfile la combinaison et les chaussures de sécurité puis je mets le casque avant de sortir dans la coursive. J'ai l'impression d'avoir mis un temps infini à m'équiper et je m'interroge sur le lieu à rejoindre en pensant aux naufrages tels qu'on les voit dans les films. Mais encore une fois, je vis cet événement et ça change tout. Qui plus est, de nuit. Titanic n'est pas loin. En me précipitant dans l'escalier, je tombe sur un officier, tout souriant, qui m'annonce que c'est une fausse alerte. Ouf ! c'est fou comme on se sent soulagé. A la réflexion, je me rends compte que j'étais beaucoup plus inquiet par mon ignorance de ce que je devais faire (l'inconnu auquel je n'étais nullement préparé) que par la crainte d'un incendie. Et puis, même si j'étais apparemment réveillé, j'avais encore tout un tas de neurones dans les bras de Morphée ce qui ne facilite guère le raisonnement. Tension relâchée, je suis retourné dans ma cabine où j'aurai droit à trois remakes du scénario. Mais là, fort de l'expérience, j'ai attendu sagement l'annonce par le haut-parleur des fausses alertes.
  Cette nuit mouvementée et la météo peu engageante me font hésiter à descendre à terre alors qu'il s'agira probablement de la seule fois et que j'ai bien envie de voir Malte. Finalement, muni des conseils avisés du second, je descends avec deux matelots philippins qui vont rester à Birzebugga, port des conteneurs, et je prends le bus pour la Valette, à une douzaine de kilomètres. Après 3/4 d'heure de route, de tours et de détours par les rues étroites des bourgades environnantes, je parviens enfin sur la place de la fontaine des Tritons, terminus et départ de tout ce que Malte peut compter de bus et de cars. C'est un capharnaüm invraisemblable où la sécurité routière est le cadet des soucis et où les piétons déambulent au mépris de la circulation, très lente il est vrai. Face à moi, les remparts, massifs et néanmoins accueillants de part la large trouée qui permet à un flot constant de piétons de pénétrer dans la ville. Ils n'évoquent aucunement Avignon ou Carcassonne mais plutôt les entourages des temples égyptiens. La Valette, capitale de l'île avec ses  6 600 habitants se situe derrière ces remparts, ceinte sur ses trois autres côtés par la mer qui l'enserre 60 m plus bas. Les rues établies selon un plan en damier sont essentiellement piétonnes, plutôt étroites, bordées de maisons aux belles façades. J'y déambule sous un soleil aléatoire entre autochtones et touristes, petites boutiques et grandes adresses, placettes et rues en gradins. Dans cette cité riche de nombreux édifices religieux et située au carrefour des grandes routes commerciales de la Méditerranée, je retrouve des ambiances de Rhodes et d'Espagne, des parfums d'Arabie et des traces de présence anglaise. Cette porosité de fait avec les envahisseurs successifs a donné cette langue unique, le maltais, parlée par environ 500 000 locuteurs, mélange d'arabe et de sicilien, dont l'écriture est omniprésente sur les plaques de rues, dans les lieux publics et les bus et très courante en ville. Elle a donné aussi une qualité de vie enrichie par le brassage des populations venues de tous les horizons.
  Parmi les édifices remarquables, le plus étonnant est sans doute la cathédrale Saint-Jean du 16 ème. Coincée dans son quadrilatère de rues, plutôt basse, sans signe extérieur ostentatoire, on y pénètre par une entrée latérale, rue de la République et là, c'est le choc ! L'ensemble des murs et des piliers est ouvragé par des volutes, des blasons, des couronnes et des statues, le tout recouvert de feuilles d'or. La voûte, linéaire et en plein-cintre, présente une succession de tableaux se déployant d'une façade à l'autre. Le sol est entièrement couvert de compositions en marbre, chacune formant une grande dalle où les grands de l'époque sont représentés à l'aide de morceaux de marbre assemblés. C'est époustouflant.  Sans conteste, il s'agit là du plus beau représentant du baroque que j'ai jamais vu. Meublant tout le fond de l'oratorio, La décollation de saint Jean-Baptiste par le Caravage achève cette visite étourdissante et j'avoue avoir eu du mal à quitter tant de beauté que des artisans d'art continuent de restaurer. 
  Les chevaliers de l'ordre de Saint-Jean qui commandèrent cet édifice curieusement à un architecte militaire firent preuve de beaucoup de goût, sans doute de ferveur religieuse mais étalèrent surtout leur richesse et leur immense puissance.
  En sortant, je reprends pied petit à petit avec l'ambiance des petites rues, je flâne dans les jardins publics et en bord de mer avant de rejoindre le bateau pour diner. Bien que marquée par un fort vent et une course-poursuite entre les nuages et le soleil, ce fut une belle escale.





ce n'est pas la cathédrale dont la façade est sous échafaudage


 












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