jeudi 26 mai 2016

jour 16

 

samedi 12 mars 2016

  La nuit a été très humide et les hublots sont ruisselants ce matin. Nous nous arrêtons vers 8 h pour une durée indéterminée à une centaine de kilomètres de DJEDDAH, notre destination. Décidément, la marine marchande est une école de la patience. Il n'y a pas de vent et la température est déjà de 28°C à l'ombre. La mer est lisse et tout l'horizon est noyé dans une brume de chaleur. Un cargo passe devant nous à faible distance et j'assiste encore à un phénomène qui m'étonne. En fendant l'eau, son étrave génère une onde de quelques vagues de faible hauteur. Et pourtant, lorsqu'elles atteignent notre coque, elles provoquent de petites agitations de nos 110 000 tonnes, rapides et désagréables, puis elles repartent dans l'autre sens en formant un grand arc de cercle. Un second train d'ondes plus petites leur emboite le pas 100 m en arrière comme créé ex-nihilo. Toujours aussi surprenante la propagation des ondes. 
  Avec la chaleur, l'horizon est devenu indiscernable même aux jumelles et le soleil diffuse dans l'air et dans la mer, rendant celle-ci argentée et aveuglante sur un bon quart du panorama. Il sera difficile de faire un point au sextant aujourd'hui. Chaque jour en effet un marin sort de la passerelle à midi et fait un relevé en posant une alidade sur un des deux compas perchés en haut des fûts situés près des répétiteurs de commandes situés sur les ailerons. Et cela malgré les deux GPS très professionnels. Tradition ?
  On repart tranquillement à 13 h pour atteindre Djeddah à 18 h 30. Il fait encore 27°C et l'arrivée de la nuit accroit l'humidité ambiante. Dès que je sors de l'ambiance climatisée de la passerelle avec mon appareil photo, il se couvre à vue d’œil de buée et je dois sans cesse essuyer l'objectif. Le front de mer est très étendu pour cette agglomération de 4 millions d'habitants, porte d'entrée vers la Mecque et pour toutes les marchandises venant en Arabie Saoudite par bateau. De très loin malgré la brume, je voyais un gigantesque jet d'eau qui dansait avec ses 300 m de hauteur (le plus haut du monde) mais je n'ai pas vu la construction en cours du plus haut bâtiment  qui atteindra plus de 1 000 m à son achèvement en 2017.
  Le Musca pénètre dans un des chenaux d'accès qu'il faut suivre avec précision tant les hauts-fonds sont légions en avant-port et il franchit l'entrée du port marqué par une capitainerie et son phare absolument remarquables. Puis il se glisse majestueusement entre les cargos et petits paquebots à l'ancienne, avec coursives devant les cabines et tonture de pont très marquée. Enfin, c'est le demi-tour sans problème dans les 500 m du bassin. La routine, quoi.
  Ce navire est un mystère. Gargantuesque avec ses milliers de conteneurs engloutis, d'une dimension démente vu du sol, il prend une taille humaine depuis la passerelle située aux trois-quart de sa longueur avec une proue qui ne semble pas perdue tout là-bas et cependant... il faut 5 mn de marche pour passer de l'avant à l'arrière ! Son gigantisme n'apparait jamais mieux que dans les ports, comme ici à Djeddah, quand vous surplombez tous les autres navires, impression d'être une vedette, regardée par de nombreuses paires d'yeux, et nous planant à 60 m, venant se ranger le long d'un quai où des lilliputiens s’agitent autour de camions jouets.
  Et les opérations commerciales reprennent sans attendre alors que je regarde de nouveau la Lune dans mes binoculaires et que l'officier Ukrainien me dit qu'il débarquera aussi à Djebel Ali, le port de Dubaï, son contrat prenant fin. Monde complexe et passionnant que celui de la marine marchande, entre propriétaire, affréteur, armateur, marins et officiers embarquant et débarquant au gré des congés et de leurs contrats.











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