jeudi 19 mai 2016

 

jour 9


samedi 5 mars 2016

  Beau temps ce matin avec une mer plus calme, en corrélation avec le vent qui pousse toujours à 15/20 kn. J'en profite pour m'équiper et je sors durant une heure trente, le temps de m'attarder en particulier sur la plage avant et sur la plate-forme arrière qui supporte les apparaux d'ancrage et d'amarrage. Leur monstruosité est à l'échelle du gigantisme du navire et c'est toujours aussi impressionnant. A l'étrave, je m'avance au-dessus du franc-bord et je contemple longuement le lieu de naissance du sillage qui nous suit. Le bulbe très long ne fend pas l'eau mais l'écarte en douceur, la repoussant, lui imprimant un tourbillon qui se poursuit en longeant la coque, l'organisant en une marqueterie mouvante de bleu et de turquoise. Au gré de son image changeante sous l'eau, il m'évoque un dauphin jouant à l'étrave, mais un dauphin qui aurait l'embonpoint d'une baleine. Sous ce ciel redevenu bleu, la mer apparait enfin outremer, profonde et immensément liquide. C'est captivant. 
  Nous marchons à 12 kn, sans doute en raison d'un vent moins puissant car le moteur tourne toujours à 50 tr/mn soit à la moitié de sa pleine vitesse. Oui, je comprends votre surprise devant cette lenteur mais attendez de voir le moteur, presque à la fin du voyage... 
  Je dors beaucoup. Est-ce dû au bruit sourd et permanent du moteur, à celui plus dans le médium de la ventilation forcée, à ma fatigue accumulée ces derniers temps, à l'inaction ? peut-être un peu de chaque. En tout cas, je me sens fatigué en journée. Alors je m'allonge, je laisse le temps fuir puisque tel est son bon plaisir et je rêvasse, surtout à ma vie passée, plutôt belle dans l'ensemble, sans drame. Ce voyage, dénué de souci et de contingence matérielle crée un état d'esprit propre à revisiter son passé ou à envisager l'avenir. On donne vraiment du temps au temps pour laisser de l'espace aux réflexions, sans être interrompu à tout moment par le téléphone ou être captivé par internet.
  Cet après-midi, nous zigzaguons beaucoup. Je l'avais constaté depuis ma cabine en voyant le soleil naviguer d'un bord à l'autre et je le vérifie ensuite sur l'écran qui affiche notre route : une succession de virages à 90 degrés. Je demande avec humour si le gouvernail est cassé et on m'explique qu'il s'agit d'une manœuvre de retardement car nous sommes en avance pour nous présenter au port. En effet, comme le vent et la mer sont encore assez forts, s'arrêter mettrait le bateau en travers et commencerait alors un roulis incessant, désagréable et risqué pour le chargement. Alors, on maintient une faible vitesse pour conserver de la manœuvrabilité ce qui n'a guère d'incidence sur la consommation de fioul. On pourrait aussi arriver près du port et s'ancrer, le navire pivoterait face à la mer et au vent mais ce n'est pas le choix retenu par le capitaine et j'en ignore la raison.
  A cette occasion, je découvre que les livraisons par cargos, présentées comme une course incessante autour de la planète, s'opèrent en réalité en fonction des disponibilités des ports. Il n'y a pas vraiment de concurrence entre eux, leur emplacement étant lié au réseau de distribution situé derrière et les investissements sont si énormes pour leur agrandissement que leurs gestionnaires ne sont guère enclin à anticiper les besoins. En attendant, devant tous les ports à conteneurs, des cargos patientent, parfois pendant plusieurs jours alors qu'ils sont annoncés plusieurs semaines à l'avance.










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